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L’existence d’un lien étroit entre la santé et les facteurs socio-économiques et environnementaux n’est plus à démontrer, ces quelques chiffres en témoignent.
Dans son bilan 2016, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime à près d’un quart (23%) la part de décès prématurés imputables à l’environnement dans le monde en 2012, ce qui correspond à 12,6 millions de personnes décédées avant l’âge de 65 ans (Prüss-Ustün et al., 2016).
Bien que le nombre décès par maladies infectieuses tend à la baisse, les décès dus à des maladies non transmissibles sont en hausse, notamment les accidents vasculaires cérébraux, les cardiopathies, les cancers et les affections respiratoires chroniques, qui représentent près des deux tiers des décès liés à des causes environnementales. Les principaux facteurs de risque environnementaux sont la pollution de l’air, de l’eau et des sols, l’exposition aux substances chimiques, ou le changement climatique.
La pollution atmosphérique est une cause majeure de morbidité et de mortalité. Parmi les 3000 villes de plus de 100 000 habitants où la qualité de l’air est surveillée, 80% des personnes vivent dans un environnement qui ne respecte pas les limites fixées par l’OMS. Les régions du monde ne sont pas touchées de façon égale, puisque les habitants des villes à revenu faible sont ceux qui en subissent le plus les conséquences, avec des risques plus importants de souffrir d’accident vasculaire cérébral, de cancer du poumon et de maladies respiratoires aiguës. La décision du CIRC de classer les émissions diesel et la pollution de l’air extérieur comme cancérogènes certains (groupe 1) a d’ailleurs été prise en 2013.
En juin 2016, l’étude de Santé publique France a établi que la pollution de l’air par les particules fines (PM2,5) en lien avec l’activité humaine serait liée à 48 000 décès par an en France. Au sein de l’Europe, le programme APHEKOM (2008-2011) déployé dans 12 pays et 25 villes, a conclu que le dépassement de la valeur guide de l’OMS pour ces particules atmosphériques se traduit chaque année par 19 000 décès prématurés, dont 15 000 décès pour causes cardiovasculaires.
Si les effets de cette pollution sont plus importants dans les grandes villes, les villes moyennes et petites ainsi que les milieux ruraux sont aussi concernées :
- dans les zones urbaines de plus de 100 000 habitants les résultats montrent, en moyenne, une perte de 15 mois d’espérance de vie à 30 ans du fait des PM2,5 ;
- dans les zones entre 2000 et 100 000 habitants, la perte d’espérance de vie est de 10 mois en moyenne ;
- dans les zones rurales, ce sont en moyenne 9 mois d’espérance vie qui sont estimés perdus.
Par exemple, à Lille, près de 6 mois d’espérance de vie pourraient être gagnés si les valeurs guides pour les particules fines étaient respectées (10ug/m3).
Le coût global de la pollution de l’air sur la santé s’élève à 31,5 milliards d’euros en Europe, dont 5 milliards d’euros pour la France. Ces coûts correspondent aux dépenses de santé et coûts associés.
La dimension géographique joue un rôle important dans l’exposition des populations aux facteurs de risques environnementaux. La proximité aux sources de nuisance augmente ainsi le risque de maladie. Habiter à proximité de voies à forte densité de trafic automobile pourrait être responsable d’environ 15 à 30 % des nouveaux cas d’asthme de l’enfant, et, de proportions similaires ou plus élevées de pathologies chroniques respiratoires et cardiovasculaires fréquentes chez les adultes âgés de 65 ans et plus (Pascal and Médina, 2012).
…mais difficile à caractériser
Cependant, la caractérisation et la quantification de ce lien santé-environnement sont encore souvent difficiles. Ceci est notamment dû à la multitude de contextes dans lesquels l’Homme peut être exposé (environnement, habitudes de vie, profession) et la non-spécificité des réponses sanitaires (différentes pathologies possibles pour un même contexte, maladies multifactorielles). A cela s’ajoute le fait que certaines pathologies peuvent se manifester ou non en fonction de la période d’exposition (temps de latence) et de la susceptibilité génétique des individus (variabilité individuelle). Ainsi, l’état de santé d’une population peut être affecté par un ensemble complexe de déterminants individuels et de facteurs sociaux et environnementaux.
Principes et enjeux en santé environnementale
Selon la définition proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé en 1994 lors de la conférence d’Helsinki :
« La santé environnementale (environmental health) comprend les aspects de la santé humaine, y compris la qualité de la vie, qui sont déterminés par les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psychosociaux et esthétiques de notre environnement. Elle concerne également la politique et les pratiques de gestion, de résorption, de contrôle et de prévention des facteurs environnementaux susceptibles d’affecter la santé des générations actuelles et futures ».
L’OMS considère donc l’ensemble des facteurs exogènes, c’est-à-dire qui ne sont pas intrinsèques à la personne (comme les facteurs génétiques). Elle intègre ainsi ce qui relève de choix ou pratiques individuelles, de modes de vie (comme le tabagisme, l’activité physique…). La santé environnementale (dénommée aussi approche santé-environnement) couvre donc de nombreux domaines et selon l’entrée privilégiée, santé publique ou environnement, la connotation peut varier sensiblement. La multiplicité des notions auxquels les experts doivent se référer concourt à la complexité de cette approche.
L’objectif des programmes de recherche en santé environnementale est la formulation d’hypothèses, la production et la diffusion de connaissances sur les relations possibles entre :
- la qualité des milieux (air, eaux, sols) qui peut être altérée par la présence de polluants de natures diverses (pesticides, éléments traces métalliques, particules fines et ultrafines, bruit, champs électromagnétiques par exemple). Les populations peuvent être exposées par inhalation (gaz, vapeurs, poussières, aérosols), ingestion (aliments, eaux, sols, poussières) et/ou absorption cutanée (poussières, liquides, gaz) ;
- et l’état de santé des populations : altérations chroniques de l’état de santé (cancers, insuffisance rénale chronique, asthme par exemple) ou maladies aigües (infarctus du myocarde par exemple).
Actuellement, les études tendent à rassembler des faisceaux de preuves mais la corrélation entre l’exposition à un environnement détérioré et un état de santé dégradé reste difficile à établir. En effet, la population humaine est exposée à une multitude de polluants, de façon simultanée ou à différentes étapes de son développement. Les effets combinés des substances dangereuses sont mal connus et le risque lié à l’exposition d’un « cocktail de polluants » est difficile à appréhender. A cette co-exposition, s’ajoutent des paramètres plus complexes à prendre en compte (durée d’exposition variable, sensibilité différente des populations – femmes enceintes, personnes âgées de moins de 15 ans ou de plus de 75 ans, par exemple). De plus, il peut y avoir un décalage entre la période d’exposition aux polluants et les effets sanitaires au sein de la population. Ce temps de latence peut être de quelques heures pour un arrêt cardiaque ou de plusieurs dizaines d’années pour un cancer.
Les inégalités environnementales et sociales de santé (IESS) : un prisme incontournable
La question des inégalités environnementales et sociales de santé, est rapportée à deux dimensions cumulatives : un niveau d’exposition des populations à un environnement de vie dégradé et un niveau de vulnérabilité face à ces facteurs de risques, capables d’affecter la santé (Besse et al., 2014). Les populations faisant face à une précarité plus prononcée seraient à la fois plus exposées à des nuisances environnementales et plus sensibles aux effets sanitaires résultants (OMS, 2012). La dimension géographique étant essentielle dans la relation santé-environnement, ces inégalités peuvent être rapportées à l’échelle des territoires (inégalités territoriales).
Initialement orientées vers la proximité aux industries polluantes ou aux grands axes routiers (Brown, 1995 ; Neumann et al., 1998 ; Perlin et al., 1999 ; Gunier et al., 2003), l’étude de ces inégalités se concentre aujourd’hui sur la mise en relation d’indicateurs sanitaires, socio-économiques et de qualité des milieux. Ces derniers peuvent être modélisés ou mesurés, souvent par analyse physico-chimique et plus rarement par biosurveillance environnementale. Les groupes les plus vulnérables socialement sont fragilisés et plus fréquemment que les autres exposés à des pressions négatives de l’environnement. De plus, ces populations apparaissent plus sensibles que d’autres aux effets sanitaires qui en résultent en raison d’un moins bon état de santé que le reste de la population et d’un recours aux soins plus aléatoire et plus tardif (Dalstra, 2005 ; Ellison-Loschmann et al., 2007 ; Crosemarie and Frankreich, 2015). En France, réduire les inégalités sociales de santé et comprendre leurs liens avec des déterminants environnementaux devient aujourd’hui un objectif explicite des politiques de santé (loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé).
Quelle place pour ces inégalités dans les politiques nationales de santé-environnement ?
Le Code de la Santé Publique prévoit depuis 2004 (loi n° 2004-806 du 9 août 2004) l’élaboration tous les 5 ans d’un plan national de prévention des risques pour la santé liés à l’environnement. En cohérence avec la stratégie en santé environnement élaborée par la Commission européenne (SCALE), le premier plan national santé environnement (PNSE), qui couvrait la période 2004-2008, a permis l’émergence de la thématique santé environnement et sa prise en compte par les pouvoirs publics ainsi que par l’ensemble de la société. Il insistait sur la nécessité de « développer de nouvelles méthodes qui permettent de coupler les données sur la santé avec celles sur les facteurs environnementaux et celles caractérisant les populations », en précisant qu’« il est nécessaire de développer des approches permettant de mieux connaître les populations (caractérisations fines, définition de populations à risques…), de spatialiser les données, de mesurer les phénomènes sur des échelles temporelles à court, moyen et long termes » (action 2.3, axe 1). Conformément aux exigences du Grenelle de l’environnement (lois dites Grenelle 1, 2009 et Grenelle 2, 2010), un second PNSE (2009-2013) a été adopté : il mettait en avant « la prise en compte et la gestion des inégalités environnementales, c’est-à-dire la limitation des nuisances écologiques susceptibles d’induire ou de renforcer des inégalités de santé ». Enfin, le troisième PNSE (2015-2019) focalise sur la nécessité d’une meilleure caractérisation des inégalités environnementales et territoriales de santé, intégrant le développement de nouveaux concepts scientifiques et plus particulièrement celui d’exposome, et un renforcement des échanges entre administrations. Chaque plan fait l’objet d’une déclinaison régionale (plan régional santé environnement, PRSE) ayant pour objectif de définir des actions en adéquation avec les spécificités territoriales. Ainsi, le second Plan Régional Santé Environnement du Nord – Pas de Calais (PRSE2, 2011-2014) fait de la lutte contre ces disparités territoriales en termes d’inégalités environnementales et sociales de santé une priorité.
Références bibliographiques
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